S’il semble établi qu’au bal des enculés l’auteur de ces quelques lignes ne fait pas partie de l’orchestre, il a néanmoins profité de l’invitation à cette dernière danse pour découvrir le dernier projet de Dissipé. Une écoute qui peut s’apparenter à un chemin de croix pour celui qui cherche à se divertir dans la musique, le Neuchâtelois n’étant pas là pour nous amuser. Son écriture s’apparente plus à une sorte de compte-rendu brut relayant le quotidien des gens qui vivent au jour le jour faute de mieux. Dissipé s’inscrit donc dans le présent à défaut d’avoir de l’espoir pour demain. Lorsque la lutte est la seule issue, porter l’étendard sur le haut des barricades semble être l’ultime bravade envers les nantis. Et si l’on sent que chaque phrase a été soigneusement étudiée, que chaque mot a été choisi pour frapper exactement là où il devait, on ne peut s’empêcher de se dire que ce parti pris de jouer la rébellion à outrance dessert quelque peu son message. Totalement libre dans ses propos, Dissipé ne semble pourtant pas chercher pas à nous convaincre, donnant parfois l’impression de ne s’adresser qu’aux siens. À moins qu’il ne fasse qu’ouvrir une fenêtre sur une autre réalité à chacune de ses affirmations… difficile de savoir, le format court d’une chanson ne lui laissant que peu de place pour la dissertation. Alors Dissipé tranche, ses phrases fusent, frappent. Il invente une sorte de punchline néo-réaliste qui pousse son auditeur dans le coin avec comme seules issues le KO ou la lumière.
En choisissant des productions très classiques, à base de samples, Dissipé affirme son amour pour une certaine façon de concevoir le rap, du texte à la musique, on est loin de ce qui se fait actuellement et cela ne fait aucun doute que ce choix ne doit rien au hasard. Mais cette démarche a les défauts de ses qualités et à l’écoute de son album on est assez vite emporté dans un sentiment de monotonie, une certaine lassitude s’installe, le KO ou la lumière. On cherche alors la lumière. Et si tout était fait pour nous mettre dans cet état de somnolence, dans une sorte de routine lancinante parfaitement à l’image de la société qu’il dépeint, tout en nous délivrant les clefs nécessaires à l’éveil ? Et si, conscient qu’il ne pourra pas convaincre tout le monde, la finalité de cet album n’était pas de nous démontrer que nous sommes tous en mesure de prendre notre avenir en main et d’éveiller nos consciences ? La révolte prônée tout au long de cet album ne serait donc pas guerrière, mais avant tout intellectuelle, intérieure, comme une lutte que l’on devrait livrer contre nous même pour ne pas se laisser endormir, pour garder espoir.
Sa couronne d’épines prenant alors une nouvelle dimension, Dissipé ne cherchant non pas à nous convertir mais nous invitant à sortir de ce que l’on pense immuable, pour le suivre dans une voie faite de recherche plus personnelle, dans une quête de connaissances. Et alors que la dernière danse se termine il est maintenant certain que nous ne jouerons pas les Ponce Pilate lors de ce bal, car ce genre de rap est nécessaire. Que l’on soit d’accord ou non avec ce qu’il dit, Dissipé a le mérite de vouloir nous faire réfléchir et qui sait, de trouver une autre vérité.

Dissipé – Couronne d’épines est disponible sur
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