« Si t’es de ma ville, tu connais ma team dans tous les cas… » Première ligne du morceau « H&M » rappée par Mr White, issu du projet « Dope Boyz Blues». À laquelle on pourrait ajouter sans rougir : « …écoutée depuis longtemps dans tous les coins ». Effectivement, nier l’empreinte empoisonnée laissée par le groupe genevois sur le rap suisse romand serait de la pure mauvaise foi. Il fut un temps où « Marekage Streetz » rencontrait un vif succès dans les rues de Genève et au-delà. Notamment à l’époque de leur premier album, sorti le 1er avril 2007(« Comme un Poizon dans le Rhône »). Ainsi, neuf ans séparent les deux projets qui partagent une date clé devenue symbolique, le 1er avril. Le jour des fameux « poissons d’avril », détournés plutôt en « poizons d’avril » les concernant. Ironie grinçante déroulée depuis leurs débuts. Car eux ne plaisantent pas.
 « Dope Boyz Blues » ou « Le Chant des vendeurs de drogue »… un titre solennel, teinté de désespoir, pour une complainte s’élevant du centre-ville (Plainpalais) et rappelant les heures les plus sombres de l’humanité. Une époque à laquelle les « chants de travail » offraient une échappatoire à la pénibilité du labeur, trompaient l’ennui et cristallisaient les souffrances de ses interprètes en chanson. Paradoxalement, cette période renvoie également aux meilleures heures du « Blues », une musique dérivée de ces chants mélancoliques. Même si la comparaison entre les champs de coton et Plainpalais n’a pas lieu d’être, une certaine idée de l’abattement figure des deux côtés, significatifs d’un vécu et d’une ambiance. Concernant le « douze-zero-five », elle pointe quelque part entre trajectoires de vie abîmées, chroniques de ruelles crades, rengaines d’une tristesse palpable et regards nostalgiques sur un temps (peut-être) révolu. On retrouve 4 mc’s dans leur style propre (Mr Bil, Mr White, A’s, Deza’Roi) combinant fracture sociale rappée, vagabondages, cours de cuisine particuliers et légère paranoïa. Extraits : «  La rue du Rhône, c’est comme Dubaï/le five, c’est plus Baltimore »-« Le diable comme chorégraphe, je ride/ je fais du porte à porte comme un commercial »-« Ils mélangent des substances naturelles avec d’autres synthétiques ou coupées à l’ammoniaque »-«Le cortège défile, à une époque je craignais de crever en prenant l’air comme Kennedy ». Le tout agrémenté de références pointues, possiblement inconnues des moins de 30 ans : Max B, C-N-N, Dipset, Despo Rutti, Seven, Slevin, Devin The Dude. Sans oublier de saluer l’excellent travail de Nobody’s Soundz qui offre à l’équipe des prods’ toutes plus réussies les unes que les autres, à l’inverse des chants a cappella cités plus haut.

par Skywalk

Marekage Streetz – Dope Boyz Blues