L'Itw rpZ : Intenso

Alors que son album « Asian Food » est en train de marquer durablement de son empreinte le paysage rapologique romand, Intenso s’est aussi livré à notre petit jeu de l’interview. A lire sans plus attendre donc, et dans l’idéal en écoutant « Asian Food » disponible gratuitement.

Blaze: Intenso
Âge : 23 ans
Ville: Fribourg
Discographie: Asian Food (2012) le reste importe peu…
Liens:
www.intensomusic.ch
www.facebook.com/intensomusic
www.twitter.com/intenso_music

Pourrais-tu nous décrire, en quelques mots, qui tu es et décrire ton travail et
ton parcours ?

Le blaze c’est « Intenso ». J’ai commencé sérieusement à rapper aux alentours de 2004-2005. J’ai toujours taffé avec mon acolyte Fleo (beatmaker) et depuis quelques années, Shady (beatmaker également) nous a rejoints. Plusieurs projets à notre actif, mais lorsque tu rappes et que tu n’as que 17 piges, ta came vieillit plutôt mal… Du coup ne retenez qu’Asian food, net-tape sortit récemment et disponible gratuitement sur notre site internet. Sinon, à côté de ça, je suis en sciences sociales à l’université de Lausanne, mais bon on s’en fout un peu…

Qu’est-ce qui t’a amené à faire de la musique ?
Un goût prononcé pour la création en général, je pense… À part la musique j’ai fait plein d’autres trucs. Étant plus jeune, j’ai commencé par le dessin, il y a deux ans j’étais plutôt dans la vidéo et notamment la réalisation de clips, j’ai fait un peu de graphisme aussi et de la photo. Donc ouais… En gros, c’est un besoin de créer, fortement ancré en moi dès mon plus jeune âge, qui m’a poussé à faire de la musique, enfin, je crois… (Ça fait un peu snob !) Sinon, parmi ces « passions », je pense que la musique est sans doute celle qui prend le plus de place. D’ailleurs les autres disciplines, la plupart du temps, je les mobilise au service de mon rap.

Pourquoi avoir choisi le rap ?
Ben disons que vers l’âge de 8 ans, âge où tu commences à écouter des trucs par-ci par-là, il s’est trouvé que c’est du rap qui m’est tombé sous la main (ou plutôt dans l’oreille). C’est ma grande sœur qui en écoutait à la base (c’était encore l’époque des cassettes), du coup j’ai fait comme la plupart des gosses, j’ai suivi la trace de l’aînée. Après, la force du rap c’est qu’il ne nécessite pas a priori une formation de musicien ou de chanteur. C’est une musique de débrouillards, d’autodidacte, où t’apprends sur le tas. C’est l’une des raisons qui m’a séduit et c’est sans doute le cas pour beaucoup d’entre nous. Enfin… Je dis « c’est ce qui m’a séduit », mais en réalité ça s’impose un peu à toi. Tu vois… Si tu te lances dans la musique classique, par exemple à travers le piano, tu ne le fais pas comme ça, je veux dire de manière spontanée, par simple kiffe. Non, tu le fais parce que tu as été socialisé d’une manière bien spécifique liée à tes origines sociales et parce que tes parents t’y ont conduit. (Bon là je te sors mon cours de socio histoire de frimer un peu, mais c’est intéressant non ?) Bref… Moi, mes parents à moi écoutaient plutôt de la musique populaire et notamment de la variet’ italienne style Eros Ramazzotti… Donc tu vois, pour que j’aille taper dans du Schubert c’était plutôt mal barré… (rire) Du coup, j’ai opté pour la musique populaire de ma génération, à savoir le rap. Tout ça pour te dire que je pense que ces choix se font un peu en « dehors de nous ». Sinon j’aurais kiffé faire des trucs « plus chantés », style de la pop ou même de la soul, mais malheureusement je n’en ai pas les capacités vocales… C’est aussi l’une des raisons qui m’ont poussé à me diriger vers ce style de musique. D’ailleurs, pour compenser j’essaye d’insuffler un peu de chant dans mon rap, notamment à travers les refrains.

Quelle a été ta première expérience avec ce style musical ?
J’ai découvert le rap notamment à travers Will Smith, mais surtout Iam, « L’école du micro d’argent ». C’est justement la cassette que j’ai grattée à ma sœur à l’époque. Je crois qu’il s’agit là de ma première expérience avec ce style musical, dans le sens où ce skeud m’a incité à gribouiller mes premières phrases (rassure-toi, rien de bien fameux). Du coup, j’ai pas mal de respect pour ce groupe, même si je trouve que l’album en question a mal vieilli, pour différentes raisons que je ne vais pas développer ici. Certains liront ces lignes comme un blasphème ou un outrage monumental, mais personnellement je ne crois pas aux « âges d’or ». Ce que j’apprécie aujourd’hui, je l’aimerai moins demain, je fonctionne comme ça… Après, c’est une conception des choses qui n’engage que moi.

Tes sources d’inspiration ?
Alors je vais te parler surtout de mes influences, car de toute manière ces choses-là sont liées. À l’heure actuelle, mes influences se situent surtout outre-Atlantique. Je suis un fan invétéré de Kanye West. Cet enfoiré est un putain de génie… Il m’inspire énormément… Après, t’as tous les grands, bien sûr, Jay-z, 50 cent, Common, Talib Kweli, Jay dee, Dr dre et j’en passe… Mais moi je ne suis pas trop nostalgique, j’estime que la musique évolue et qu’on se doit d’évoluer avec elle. Du coup je tape aussi dans du Mac Miller, Drake, Nicki Minaj, Big Sean, J.Cole, Kendrick Lamar, Kid Ink, et les autres petits derniers… Après ya pas que le rap… L’electro, notamment des mecs comme Daft Punk, Hudson Mohawke, Rustie, M83, Justice ou encore les Chemical Brothers m’inspirent également. Bien sur la soul, aussi la pop (en même temps qu’est-ce qui ne sonne pas pop aujourd’hui tu me diras) et j’en passe. Mais je pense que si tu veux « te nourrir correctement », tu dois paradoxalement te tourner vers les States un jour ou l’autre. Après tout, Quick n’est qu’une mauvaise réplique de McDonald’s.

Quelle est ton actualité en ce moment ?
On continue de travailler sur la promo d’Asian Food. On a des « premières parties » de prévues et des clips qui arrivent prochainement. Sinon, on se penche gentiment sur la suite. Je pensais initialement à un album, mais je crois qu’on va plutôt partir sur une seconde mixtape, peut-être « AF2 », à voir…

Quels sont les sons qui tournent en ce moment dans ton mp3?
« Time of your life » de Kid Ink et « Pursuit of Happiness » de Kid Cudi, pour n’en citer que deux.

Le dernier livre qui t’a marqué et pourquoi ?
Plutôt qu’un livre, je te dirai un auteur, Pierre Bourdieu, parce qu’après t’être penché sur ses travaux, tu n’appréhendes plus la société de la même manière.

Et le dernier film ?
J’ai bien aimé le dernier James Bond, mais surtout pour l’esthétisme de ses images. L’effet de lumière dans la scène finale est terrible !

Que penses-tu du « rap suisse » ?
je vais être honnête avec toi, je trouve que le niveau en Suisse n’est pas très élevé. Bien sûr, il y a des mc’s, beatmakers etc. qui sortent du lot, mais tu les comptes sur les doigts d’une main. Malgré ça, j’observe une amélioration. Il y a quelques années en arrière, il était impensable pour moi d’écouter du rap suisse, et récemment t’as des mecs qui sont arrivés avec de jolis produits. Je pense notamment à la mixtape « Jeune, coupable et ivre » de M.A.M qui a pas mal tourné sur mon player. Après les débats du genre « en Suisse on se tire dans les pattes », moi je m’en cogne un peu… J’ai l’impression qu’on se détourne du vrai problème, à savoir qu’en Suisse, ben ma foi, il y a peu de bonnes choses. Mais une fois de plus, c’est un point de vue personnel qui n’engage que moi. Après tout, un mc est également un auditeur.

Quels sont les inconvénients de la « vie d’artiste » ?
Il faudrait commencer par définir ce qu’est « une vie d’artiste ». Je crois qu’on devrait plutôt parler de la vie d’un mec qui a un hobby (rire). Bon ok, je désacralise un peu, mais franchement à mon stade, je ne trouve pas hyper pertinent de répondre à cette question, car je ne pense pas réellement mener une vie d’artiste au sens premier du terme.

À ton avis, que manque-t-il pour faire évoluer les artistes « rap » en Suisse ?
Moi je crois qu’il manque du savoir-faire et du professionnalisme. Chose que les acteurs de ce « game » ne fournissent que trop rarement. Souvent, tu tombes sur des morceaux ou la prod sonne comme de la m… et les voix sont limite pas mixées. La plupart du temps, on a tendance à pointer du doigt le manque de structure en place, ou encore les maisons de disques qui ne font pas l’effort de s’intéresser aux produits du terroir. Pourtant, je ne crois pas que les maisons de disques ne fassent pas l’effort de s’intéresser à nous, mais simplement que le produit que nous avons à leur proposer ne les intéresse pas (nuance). Nous vivons dans une société capitaliste où les gens investissent de l’argent sur ta poire parce qu’ils estiment qu’ils vont pouvoir en tirer de la plus-value et je ne suis pas sur (exemption faite) que le rap suisse puisse garantir d’engendrer des bénéfices. En plus, la Suisse c’est un petit marché, sans compter que notre rap ne s’exporte pas, donc à mon avis, c’est plutôt mal barré… Il n’y a pas de solution miracle pour moi.

Si tu avais un conseil à donner à un jeune qui commence, que lui dirais-tu ?
Oh, je crois que je ne dirai pas grand-chose, ça fait un peu prétentieux… Surtout que je ne suis pas si vieux.

En guise de conclusion, ça veut dire quoi repreZenter pour toi ?
Une fois de plus, je vais être franc avec toi (au risque d’être un peu chiant). Le terme « représenter », ce n’est pas un terme qui me parle plus que ça… Je le trouve un peu old school. En fait, c’est plus que ça. Je trouve qu’il enferme un peu le rap dans une case et qu’il contribue à nourrir cette vision stéréotypée que beaucoup ont de cette musique, je pense notamment à nos chers amis Laurent Ruquier et autre Natacha Polony. Pour moi, le rap ce n’est pas forcément une musique qui a pour vocation première de véhiculer un message ou de représenter une certaine vision de la société ou une position politique bien spécifique. Je trouve cette analyse très réductrice et à mon avis, le rap doit être considéré avant tout pour ce qu’il est, c’est-à-dire un art à part entière, à même titre que tous les autres. Donc voilà, pour tout te dire, je n’ai pas un très bon feeling avec ce terme, mais cela n’empêche que j’ai beaucoup de respect pour votre site que je suis attentivement et qui j’espère continuera sa route, encore au moins pour quelques bornes.