Decs – Assidu

« Le plus difficile est toujours de parler de ce que l’on ne connaît pas ». Pour moi ce serait plutôt : « le plus drôle est de parler de l’inconnu ». Même le plus ignorant peut avoir un éclair de génie. Chose rare, d’autant plus appréciable surtout si, comme monsieur Dillon, il est français. Encore plus difficile quand il s’agit de juger sur un seul morceau. Seul un sale con peut juger un morceau sans connaître la carrière de l’artiste. Monsieur Dillon est de ces gens. Oui, j’aime parler de moi à la 3e personne.
Mais trêve de plaisanterie de mauvais goût, et Dieu sait que j’aime ça, et parlons rap musique, et rap musique suisse s’il vous plaît. Oui, un Français qui parle de rap suisse, grand blasphème me direz-vous.
J’ai donc regardé le clip de Decs « assidu ». Je ne connaissais pas du tout le personnage, puis j’ai eu vent de son oeuvre au-delà même de la musique. Mais passons ce détail, et intéressons-nous au morceau cité ci-devant.
Dès le départ, j’ai été pris d’un frisson « Ô mon Dieu, le beat ressemble étrangement à du Lex Luger ». Mais ça c’était dès les premières notes. Force est de constater que le beat n’est pas inintéressant, mais pas le plus original. On a déjà entendu pire, souvent dans le rap francophone bizarrement. Oui le rap c’était mieux avant (coucou les puristes). Toujours est-il que monsieur Decs a choisi une prod finalement dans l’ère du temps, pas franchement la plus innovante, mais assez plaisante pour poser son texte.
Niveau flow, je sens réellement que le MC est un ancien de la scène. Sans être révolutionnaire et me faire sauter au plafond, l’homme a un débit qui lui est propre, ce qui au passage est à souligner tant aujourd’hui l’on aime à imiter les anciens MC’s qui en profitent par conséquent pour revenir (fatigués) ou être de ces rappeurs « souague » (le swag étant américain et aux antipodes de la conception qu’en a le vieux continent). Le style est travaillé au niveau de la forme, les mots sont calés dans les temps, et personnellement je n’en demande pas plus.
Côté fond, ce morceau n’est pas « conscient, engagé, militant »… on part plutôt sur un petit egotrip assez agréable à l’écoute, où Decs fait parler l’expérience et la longévité dans ce « rap-jeu de merde » si cher au Roi Heenok. Ceci dit, je regrette un petit peu le léger manque d’énergie et ce petit côté freestyle qui aurait rendu l’egotrip plus vivant, et mieux taillé pour la scène, même si pour cela, je pense que le morceau est largement jouable. Son attachement à la culture hiphop au travers des années, son vécu (on m’a parlé d’une sorte d’homologue suisse de notre Jo Dalton, ceux qui connaissent le savent), permettent au morceau d’avoir une authenticité au-delà d’une forme qui ne transcendera pas l’art, mais apporte tout de même sa pierre à l’édifice d’une scène suisse toujours amusante à découvrir.
En résumé, plus que le morceau lui-même qui est propre, mais sans plus, je salue surtout la démarche de l’artiste de rester fidèle à ce qu’il est tout en se faisant plaisir.
Monsieur Dillon valide, fait rare pour être souligné, mais ça vous vous en foutez certainement, et vous aurez bien raison.

par @MonsieurDillon