l'interview d'Oskar Freysinger

IMAG0006Oskar Freysinger est certainement l’un des meilleurs mcs de sa génération, à l’aise tant dans les clashs qu’en battle, MC Oskar est ce qu’on peut appeler un rappeur polyvalent, sorte de Eminem des montagnes valaisannes. Une brillante carrière lui était promise, mais certaines déclarations peu adroites, mais très à droite, en ont décidé autrement et l’ont mis au ban de la communauté Hiphop. Dans un esprit d’ouverture, repreZent est donc allé à sa rencontre, dans son Valais natal, compte-rendu d’un entretien peu banal :
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Je suis politicien et prof… voyez ce qu’on devient, c’est terrible.

Qui êtes-vous ?
Anarchiste de droite. Grand cancre, je n’ai jamais pu quitter le rôle que j’avais à l’école. Je n’avais jamais la moyenne en discipline et j’étais la tête de turc préférée des profs. Heureusement j’étais assez bon et je m’en sortais plutôt bien, ça m’a sauvé. Et puis, je suis devenu ce que je considérais comme les deux races de cons à 20 ans, les politiciens et les profs. Je suis politicien et prof… voyez ce qu’on devient, c’est terrible.

Qu’est-ce qui vous a fait accepter ma demande d’interview ?
Ça me change des demandes habituelles, parce que, d’ordinaire, c’est « Le Matin » qui veut monter un truc en épingle, c’est « Arena » qui cherche quelqu’un pour faire punching-ball dans un débat sur je ne sais quel sujet de la politique fédérale. J’ai relativement peu l’occasion de parler des choses, qui pour moi, sont quand même beaucoup plus essentielles, dans la vie, que la politique. Par exemple, tout ce qui concerne l’éducation (ndlr : Oskar Freysinger est enseignant au gymnase), et surtout, l’écriture, la création… Ce sont des domaines qui sont beaucoup plus enrichissants pour une personnalité. Parce qu’en politique au fond… Je pense que la plus grande insulte que l’on puisse me faire serait de me dire un jour que je suis un bon politicien. Parce que ça veut dire que t’es un faux-cul, t’es un tordu… En politique, je joue un rôle très particulier : je suis une sorte d’aiguillon. On m’appelle « l’électron-libre ». J’y tiens parce que je ne voudrais pas entrer dans le moule du politicien moyen… Et votre interview, et bein voilà, ça me change !

On pourrait dire que vous faites de la politique pour manger, et créez pour vivre ?
Non, ce qui me nourrit c’est principalement le collège. Je travaille à 65% dans l’enseignement, c’est donc grâce à ça que je peux faire les deux choses. Et puis la politique, ça correspond sûrement à un besoin en moi, sinon je ne le ferais pas. On ne fait pas uniquement les choses pour la république, pour le bien des citoyens, etc. On le fait aussi et toujours pour soi-même.

Il y a des chansons de Rammstein dont le texte est très intelligent.

Quelle place donnez-vous à la musique ?
Une place importante. Je chante une fois par semaine dans chaque classe. Mes élèves ont 18-19 ans et j’enseigne l’allemand. La musique est un outil pédagogique absolument prodigieux parce que les élèves sont obligés, sont forcés, de prononcer les mots correctement et de mettre les accents toniques au bon endroit, sinon ça ne joue plus avec le rythme et la mélodie. Ça les force à prononcer les mots correctement, surtout en allemand.

Quelle sorte de musique ?
Un peu de tout. J’utilise certains chants pour accompagner le cours de littérature, des chansons romantiques avec des textes de Eichendorff, Goethe, etc. Mais aussi la musique de Schubert, « Le Roi des Aulnes », plus traditionnelle, et du moderne, des chansonniers, Die Toten Hosen, des choses comme ça…

Du rap ?
Alors le rap c’est difficile à faire chanter… ça s’y prête mal, il me faut des mélodies facilement identifiables à l’oreille et facilement reproductibles par mes élèves.

Et pourtant, le rap allemand peut montrer ce que l’on peut faire avec cette langue…
Alors bon, écouter oui c’est possible… pour l’écouter, oui ça va.
J’écoute aussi du Rammstein parce que je m’aperçois que mes élèves en écoutent. J’ai analysé leurs textes et je remarque qu’ils sont bien écrits. Il y a des chansons de Rammstein dont le texte est très intelligent.

Du Tokyo Hotel ?
Non, ça non, ça ne vole pas très haut là ! Par contre, Rammstein c’est un groupe à ne pas sous-estimer. Déjà musicalement c’est assez redoutable. Ils ont un sens de la mélodie qui est prodigieux, un sens scénique… et puis les textes, il y a franchement des textes qui valent la peine qu’on s’y penche…

Alors peut-être pas le dernier texte dont le clip est disponible uniquement sur les sites pornographiques…
Ah…ah bon… ah non alors celui-là je le connais pas! Mais j’ai tous les CDs de Rammstein. Mais il y en a d’autres, die Toten Hosen, tous ces groupes, y’a de quoi faire. Il y a aussi des chansoniers plus traditionnels, toutes ces chansons qui entrent facilement dans l’oreille, facilement reproductibles. Mais ça c’est pour l’école, à coté de ça évidemment je compose, je fais des chansons.

Le Dernier Repas de Brel, c’est beau… mourir triomphalement !

Et s’il y avait une chanson pour vous décrire ?
Là, vous me prenez de court, il faudrait aller chercher chez Brel, Brassens… c’est ça mes références.

Une chanson pour mourir ?
Le Dernier Repas de Brel, c’est beau… mourir triomphalement ! J’aime bien, c’est un arabe, si j’ai bien compris d’ailleurs, il parle de ses chameaux, de ses femmes, de ses moutons, de ses chèvres et de je ne sais quoi… (ndlr : on a bien cherché, mais pas de trace d’arabe ou de chameaux dans ce texte) C’est une chanson effectivement, qui accompagnerait avantageusement mon trépas.

Mais pour revenir à votre question précédente, je pense à une chanson pour me décrire : Mon ami, mon maître (ndlr : Serge Lama). Elle représente la fidélité en amitié et l’admiration que je porte à certains personnages qui font preuve de caractère. Peut-être que c’est une chanson dans laquelle je pourrais me reconnaître.

Ah… mon grand ami Stress…

Temps Présent hier soir (8.10.09) était consacré à votre grand ami Stress, avez-vous vu cette émission ?
Ah… mon grand ami Stress… non je n’ai pas vu. Mais je crois qu’il a compris : il ne fait plus de politique. Il était venu faire un débat contre moi, mais on ne peut pas s’improviser politicien comme ça. Par contre, je peux m’improviser rappeur pour lui envoyer un rap entre les gencives, mais pour lui c’est plus difficile…

On peut discuter de la valeur de ce rap…
Ce rap était tout à fait efficace, utilisable et applicable à ce moment-là, donc ça vaut ce que ça vaut.

Après, est-ce qu’il est autant bon politicien que vous êtes bon rappeur je pense que là, il y a égalité…
Je ne serai jamais rappeur, mais c’était juste pour lui montrer que finalement, faire ça avec les mots, c’est très facile. Par contre, lui me faire un alexandrin, je le mets au défi. Je le mets au défi de faire des rimes croisées, je le mets au défi d’utiliser des formes un peu plus élaborées de littérature. Pour moi le rap est venu d’une certaine jeunesse américaine en rupture avec la société, donc des écorchés de la vie. Hors lui, c’est un petit bourgeois porté par le système, payé par Ringier, qui lui refile 100’000 balles par année. Ce gars, il est financé par le système, on le met en avant, on l’utilise politiquement et, en contre-partie, il a un certain message à faire passer. C’est de l’art dévoyé, et c’est ce que je reproche à Stress, la malhonnêteté de sa démarche. Maintenant ses musiques sont assez habiles. J’ai écouté pour voir ce qu’il faisait. L’instrumentation est bonne, il faut le reconnaître, les textes, je les trouve un peu quelconque… mais c’est pas mal fait. Ce n’est pas le problème, il y a de multiples rappeurs comme ça. Par contre, lui est complètement inféodé au système ce n’est donc plus du rap ! D’ailleurs, je suis beaucoup plus en rupture avec la société que lui.

C’est assez intéressant parce que vous tenez exactement le même discours que les puristes du hiphop qui traitent Stress de vendu…
Mais je suis d’accord avec eux !

Il serait  une sorte de réincarnation d’un des apôtres du Christ ?

Pourtant c’est un artiste qui réussit, pourquoi lui reprocher cela ?
Non, mais attendez, Gainsbourg aussi a réussi, mais jamais il n’a été inféodé au système, il a toujours envoyé chier n’importe qui, quand il voulait. Il a toujours été en rupture. On peut trouver ça bien ou pas, mais il restait vrai dans sa démarche jusqu’au bout. Il crachait au visage du système et plus il lui crachait dessus, plus le système lui achetait ses disques. Alors que celui-ci, il nous la joue politiquement correct, gentil, en luttant contre le CO2, soyons multiculturels, tolérants et ouverts. Non mais enfin, j’ai envie de vomir quand j’entends ça… Il serait  une sorte de réincarnation d’un des apôtres du Christ ? Non mais c’est pas ça, ce n’est pas ce que j’attends d’un rappeur…

Vous ne pensez pas que ce soit une bonne chose de vouloir améliorer le monde ?
Non, mais enfin, mai 68 ça date un peu ! On s’aperçoit que ce n’est pas vrai, nous ne sommes pas tous citoyens du monde. Dans la théorie, oui, bien sûr, notre humanité commune est notre point de contact. C’est vrai, ce qui nous lie vous et moi, ou qui me lie avec n’importe quel habitant, de n’importe quelle race, ethnie ou culture, c’est cette humanité commune. Et finalement notre destinée commune face à notre cruel destin : un jour on va claquer et c’est la même chose pour tous.

Par contre ce qui nous sépare, ce sont les formes. Et les formes ne sont pas innocentes parce que je pense, honnêtement, que l’ethnocentrisme européen est extrêmement dommageable. Nous pensons que les musulmans voient le monde comme nous, hors ce n’est pas vrai, ils ne le voient pas comme nous. Nous pensons que les chinois voient le monde comme nous, mais ce n’est pas vrai. Un chinois a une vision du monde qui est totalement différente de la mienne. Et ça veut donc dire que la cohabitation n’est pas si évidente. Quand moi je dis une phrase, et lui la même phrase, elle ne veut pas dire la même chose, toute la vision, tout le vécu qu’il y a derrière est différent.

Actuellement le milieu culturel suisse, c’est une seule sauce.

Mais doit-on se cloisonner pour autant ?
Non, ça ne veut pas dire ça, ça veut dire qu’il faut au moins reconnaître ces différences, qui sont également un enrichissement. Pourquoi l’autre est-il intéressant ? Parce qu’il est différent de moi. Je n’ai quand même pas envie de parler tout le temps à un miroir. Mais actuellement la tolérance qui est propagée par une certaine gauche, c’est : on est tolérant avec tous ceux qui pensent comme nous, mais si vous ne pensez pas comme nous, vous n’avez par le droit de le dire, c’est criminel, c’est malhonnête. Moi, ça je ne le supporte pas, j’aime quand c’est outrancier. Une démocratie solide doit supporter l’outrance, il faut qu’il y ait une disparité, un choc d’idées. Actuellement le milieu culturel suisse, c’est une seule sauce. Ils se passent les pizzas parmi, ils se congratulent parmi, c’est la mort de l’art en Suisse. D’ailleurs, regardez ce qui se produit actuellement.

Mais pour en revenir à cette chanson de Stress qui dit « fuck l’UDC », c’est quand même un message qui est présent chez tous les rappeurs suisses, la jeunesse suisse crie halte à l’UDC. Beaucoup de groupes indépendants tiennent le même discours.
Ok, mais moi je vous jure que le groupe de rap, réellement en rupture, serait celui qui dirait « fuck PS » ou « fuck la gauche » et dirait « vive l’UDC ». Alors là c’est la rupture la plus totale que l’on puisse imaginer pour un groupe de rap.  Celui qui ose faire ça, a mon plus profond respect. Pas parce que je suis UDC, mais simplement parce qu’il ose faire un truc qui, en fait, représente une mort artistique certaine. Vous savez ce que ça veut dire pour la liberté d’expression en Suisse ? Et ce que je vous dis est vrai…vous oseriez faire un rap qui dirait vive l’UDC? Le reste ne vaut rien, c’est se croire en rupture alors qu’on est absolument dans la pensée dominante.

Mais au moins il ose, ce courage là je suis obligé de le lui reconnaître.

Parlons rupture, Dieudonné est en rupture !
Alors lui, il faut reconnaître qu’il est en rupture. Il pousse peut-être un peu loin le bouchon, mais quelque part, j’admire, pas nécessairement ce qu’il dit, je peux ne pas être toujours d’accord, mais au moins, nom d’un chien, lui il ose au moins ! C’est un des rares qui ose vraiment. Personnellement il ne me fait pas tellement rire, je ne le trouve pas très comique. Mais au moins il ose, ce courage là je suis obligé de le lui reconnaître.

On est tenté de faire le parralèle entre son sketch et les carricatures du Mohamet, pour vous est-ce qu’on peut rire de tout ?
Les limites d’une satire, où s’arrêtent-elles? Je pense qu’elles s’arrêtent là où on diffame, où l’on fait mal à quelqu’un dans son deuil, sa souffrance profonde. Je crois que j’aurais une certaine pudeur. Rire du malheur des autres, par exemple, est-ce qu’on peut faire un sketch sur la Shoah ? Est-ce qu’on peut faire un sketch sur les massacres du Rwanda ?  C’est à la personne de savoir où sont ses limites, mais ensuite il ne faut pas s’étonner si l’on touche des sensibilités. Là où je soupçonne Dieudonné de ne pas être tout à fait net par contre c’est qu’il n’utilise pas la politique pour faire de l’humour mais l’humour pour faire de la politique. Et c’est là qu’il y a une grande différence.

la loi antiracisme c’est de la gnognotte

Mais la liberté d’expression doit-elle être limitée ?
J’ose affirmer, et je suis un des rares hommes politiques à le faire, que la loi antiracisme c’est de la gnognotte, c’est nul. C’est digne d’une dictature et pas d’un état démocratique comme la Suisse.

Dans quel sens ?
Dans le sens où c’est le délit d’opinion qui est punit.

Pourtant avant vous nous disiez qu’il fallait mettre des limites.
Je peux mettre des limites à votre comportement, c’est à dire que si je vois que vous allez sortir un poignard pour agresser quelqu’un, il faut mettre des limites. Mais je ne peux quand même pas mettre des limites à votre pensée, à votre expression, tant que vous ne contrevenez pas au Code Pénal. Le Code Pénal est très clair, il y a la diffamation, l’atteinte à l’honneur, c’est concret. Si je dis à un type, un noir par exemple, « sale nègre », c’est une insulte et en temps qu’insulte d’un individu à un autre individu il y a le Code Pénal. Je suis puni et c’est en ordre. Mais maintenant de dire, c’est mon opinion, elle peut être idiote, l’Islam représente un danger pour la Suisse. Pourquoi veut-on m’interdire de dire ça ?

On ne vous a pas interdit de dire ça…
Des affiches ont été interdites !

Ce n’est pas le juridique qui les a interdites.
Non, mais pour dire…

Non mais là c’est un autre débat, puisque vos affiches n’ont pas été juridiquement interdites.
Justement, là c’est pire, cela veut dire que le politique s’érige en juge et la séparation des pouvoirs n’est plus garantie.

Mais justement, juridiquement vous n’avez jamais été reconnu coupable, la liberté d’expression est donc garantie.
Je vais vous dire comment ça fonctionne, c’est simplement la menace d’une procédure, ou bien le dépôt d’une plainte qui est déjà onéreux pour celui qui est attaqué. Parce que le simple fait qu’on ait déposé une plainte contre lui, le mettra à la Une des journaux, il sera soumis à l’opprobre public. Et souvent cela suffit pour que les gens se taisent, mais ce n’est pas digne d’une démocratie ça.

Donc on doit pouvoir tout dire ?
Celui qui pense, et je vous donne l’exemple le plus extrême que je peux trouver, la personne qui est profondément convaincue, même si personnellement je suis sûr et je vous le dis pour pas avoir des emmerdes ensuite, je dis que je trouve ça complètement idiot mais bon… Il est convaincu que la Shoah n’a jamais eu lieu, complétement con ce type, mais il est convaincu de ça, on le met en prison parce qu’il a cette conviction, je trouve ça complétement débile. On a de multiple preuves du contraire, tout le monde arrive à contredire ça facilement, c’est complétement idiot comme opinion, mais laissez le dire ! Sinon il devient un martyr d’une cause débile simplement parce qu’on va l’emprisonner. Là, on lui donne de l’importance et on finit par, peut-être, susciter dans l’esprit de certains ah mais si on le met en prison, c’est que peut-être il y a quelque chose de vrai dans ce qu’il dit. Vous voyez ce que l’on provoque avec ça, c’est donc totalement contre-productif.

Donc on doit laisser un imam extrémiste s’exprimer ?
Il n’y a qu’à le laisser dire, si ce n’est pas une incitation à la violence, que c’est son opinion et qu’il en est convaincu, c’est en ordre.

Le minaret n’est pas le problème, il est le symbole du problème.

Donc pourquoi interdire la construction d’un minaret qui, pour vous, n’est rien de plus qu’un symbole ?
Le symbole de quoi ? C’est le symoble d’une loi qui, sur des points essentiels, égalité hommes-femmes, les droits de l’enfant et le Code Pénal, est totalement incompatible dans son application à la loi civile suisse. Le problème est juridique, si nous n’avions pas de problème avec l’Islam nous n’aurions pas de problème avec les minarets. Le minaret n’est pas le problème, il est le symbole du problème.

Mais pour en revenir au symbole, dans cette vue d’esprit, on ne peut pas mettre un drapeau nazi dans son jardin alors.
Ces nazis c’étaient des sacrés criminels… mais interdire le drapeau nazi… du coup, que font ces gens-là ? C’est comme quand vous interdisez une race de chien, ils utilisent des bâtards. Ils vont développer des signes indirects.

Donc si on interdit les minarets, qui pour vous sont un signe de conquête, on peut s’attendre à voir des signes indirects…
Mais si on interdit les croix gammées, il faut interdire la faucille et le marteau. On interdit tout ou on n’interdit rien. Je serais pour ne rien interdire. Il faut être juste, on ne peut pas interdire que d’un côté.

On interdit tout ou on n’interdit rien… Mais alors pourquoi vouloir interdire le minaret et pas les croix gammées?
Ce que vous dites là est juste… si la croix gammée est utilisée par un groupuscule qui veut remettre en question l’Etat de droit et instaurer un Etat totalitaire (ndlr : on est heureux d’apprendre que les gens portant une croix gammée sont généralement pour le droit et la justice), là, j’arrive à vous suivre, je suis d’accord car on remet en question l’état de droit, donc on est obligé d’interdire.

Donc si l’interdiction des minarets est plébiscitée, votre prochain combat sera d’interdire les signes communistes même si cela est moins porteur que l’Islam?
Oui, car je pense que le totalitarisme stalinien et communiste a provoqué plus de morts que le nazisme.

La jeunesse est toujours égale à elle-même.

Vous êtes enseignant depuis 24 ans, quel regard portez-vous sur l’évolution de la jeunesse ?
La jeunesse est toujours égale à elle-même. Dans le temps elle était plus idéologisée et idéaliste. Maintenant les jeunes sont beaucoup plus pragmatiques.

Résignés ?
Non, pas nécessairement, ils savent ce qu’ils veulent faire de leur vie, ils construisent leur carrière, ils imaginent déjà les différentes pistes. Mais ils sont très pragmatiques, ce n’est plus « fleurs dans les cheveux », « paix au Vietnam », tout ça a un peu disparu. Par contre, ce que je regrette le plus, et c’est une évolution qui franchement m’inquiète, c’est l’affaiblissement progressif au niveau des capacités d’expressions verbales, que ce soit par écrit ou à l’oral.

Ça vient de quoi selon vous ?
On ne lit plus, avec la télé, l’ordinateur, on est face à des formes de médias qui sont des formes plutôt passives, on est bombardé d’images. Si je lis un article dans un journal, analysant une situation politique, économique, culturelle, c’est un travail actif. Il n’y a que des signes abstraits sur une feuille, et ma tête va imager cela, faire tout un travail de transformation de cette information minimaliste. L’image c’est le contraire, l’image vous sert tout, vous n’avez rien à inventer dans votre tête, tout vous est donné. Ça percute directement vos sentiments, vos peurs, vos angoisses… ça réveille l’irrationnel, et ça ne passe pas par le filtre de l’intellect.

Mais tout le monde, tout communicateur manipule.

Mais pourtant, au niveau politique vous faites passer l’émotif avant le rationnel…
Alors justement, c’est pour cette raison que j’aimerais que les jeunes apprennent à utiliser cet appareil, ce filtre critique, parce qu’il faut qu’ils puissent résister à mes images, aux images de mon parti politique. Aussi aux partis de gauche ou de droite, à n’importe laquelle de ces manipulations. Parce que dès le moment où je veux obtenir un certain comportement chez les individus, que ce soit un comportement d’achat, un comportement électoral, il y a manipulation…

Vous admettez que vous manipulez par l’image…
Mais tout le monde, tout communicateur manipule. Enfin toute communication ! Dès le moment où j’ai un but, dès que mon image, mon texte, mon langage parlé, a un but ! Quand je veux amener l’autre à penser différemment, quand je veux l’amener à faire quelque chose, à dire quelque chose, à acheter quelque chose, il y a manipulation. C’est pour cette raison que j’aimerais que l’école reste une sorte d’atelier protégé par rapport à la réalité. On doit apprendre, on doit acquérir l’instrument de base qui permettra de résister ensuite, de garder une certaine distance, afin d’avoir un filtre permettant de décortiquer cette manipulation. Je le fais d’ailleurs avec mes élèves, je décortique des messages de manipulations.

La lecture sauvera le monde en quelque sorte…
L’instrument verbal, on pense comme on écrit, comme on parle… Il y a une connection qui est totale, plus votre vocabulaire est différencié, plus vous avez la possibilité de penser de manière différenciée, d’analyser votre réalité. On s’aperçoit par exemple dans les quartiers défavorisés américain, comme le Bronx, qu’il y a un lien entre la richesse du vocabulaire d’un individu et sa propension à utiliser la violence. Plus un être humain aura la possibilité de décrire sa réalité, de l’analyser à travers le verbe et par là même avoir une pensée différenciée, plus il sera outillé pour insérer dans sa vision du monde ce qui lui arrive. Il y a une sorte de possibilité à garder une certaine distance par rapport aux choses et de les insérer dans sa grille de lecture. Moins il a cet instrument, plus il va utiliser un language premier, primaire et irrationel, par exemple la violence.

Mais si on prend l’exemple du rap, où beaucoup s’appliquent à écrire des texte
Ça c’est pas mal oui…

Mais vous conviendrez que tout ces jeunes qui réfléchissent, ne vont jamais du côté de votre discours, ils vont toujours s’opposer au vôtre.
Mais tant mieux, c’est très bien.

Mais si on suit votre discours, si tout le monde devient lettré ne serait-ce pas la mort de l’UDC ?
Non, parce que moi-même j’écris des livres et je vais avoir mon prochain vernissage mardi prochain (ndlr : le monologue théâtral « Le nez dans le soleil » sortira le 12.10). Il y a énormément de gens qui lisent mes livres et les apprécient, je vous mets au défi de dire que ce n’est pas de la littérature simplement parce que je suis UDC. Je ne crois pas qu’il y ait un monopole de la créativité à gauche. Par contre ce que je constate, c’est  qu’un monopole a été créé artificiellement, et qu’effectivement ces gens se passent les pizzas parmi, que c’est un cercle fermé et si on ne pense pas comme eux on n’y entre pas….

le parti socialiste paraît comme totalement ringard et dépassé…

Mais si on regarde il y a 20-30 ans, quand les jeunes lisaient, la tendance était clairement à gauche.
Oui, mais maintenant, il y en a de moins en moins qui sont de gauche, au collège en tout cas, chez mes élèves, le parti socialiste paraît comme totalement ringard et dépassé…

Je dirais qu’actuellement on constate une polarisation au niveau politique…
Oui, soit ils sont anarchistes, troskystes, ou je ne sais quoi très à gauche, soit pour certains, l’UDC. Et même si l’UDC ne sert qu’à ça, à servir de punching-ball à une certaine jeunesse, on aura alors un rôle social qu’il ne faut pas négliger. Il y a besoin de punching-ball, il faut tuer le père et la plupart de ces jeunes n’ont plus de père à tuer à la maison. Mais il reste encore l’UDC avec sa testostérone exacerbée qu’on peut tuer, voilà une compensation d’un père qu’on ne peut plus tuer à la maison.

C’est une aberration et je suis scandalisé.

Le Prix Nobel de la paix à Obama ?
Alors ça, c’est débile, je suis choqué, il n’a rien fait, C’est simplement l’obamamania qui continue, depuis qu’il est au pouvoir on attend toujours des actions déterminantes, correspondant à ses promesses qui étaient énormes. C’est une aberration et je suis scandalisé. Le Prix Nobel est en train de se ridiculiser, déjà avec Al Gore, et sa piscine qui utilise autant d’énergie que 300 bagnoles pour se chauffer par année, je trouvais ça à la limite du supportable, mais alors ici avec Obama… Il aurait fait la paix entre les palestiniens et les israéliens j’aurais compris, mais rien. Pour le moment, on attend encore qu’il y ait un bilan et on lui refile le Prix Nobel de la paix simplement parce que c’est Obama et que ça fait joli dans le paysage, c’est le degré zéro, c’est carrément au degré du pompier de Bill Clinton, c’est là où la politique devient obscène. Il y a plein de personnages, comme Martti Ahtisaari (ndlr : Prix Nobel de la paix en 2008) qui est acheté par la mafia albanaise, 50 millions qu’on lui a refilé, et on lui donne le prix Nobel. Non mais moi je ne comprends plus ce monde, je suis dégoûté, franchement. Mais cette énergie-là j’essaie de la canaliser pour mon combat politique avec une certaine honnêteté dans la démarche. Mais je suis entouré par des vendus, suffit d’être complaisant avec une certaine idéologie et toutes les portes s’ouvrent. Ça je ne suis pas d’accord.

Revue de presse:
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