itw: Casey


Casey était en concert à l’Usine de Genève la semaine dernière, à cette occasion repreZent y a dépêché Skywalk et si l’entretien vidéo longuement préparé par notre envoyé spécial s’est transformé en une « interview-minute » (Casey refusant d’être filmée et accordant en tout et pour tout 15 minutes), Skywalk a su aller à l’essentiel. C’est court, mais net et précis comme une punchline.

repreZent : Sur ton myspace, une phrase est écrite à côté de ton nom : «2010… Le pire reste à venir ». Contre-pied cynique au « meilleur reste à venir »?
Casey : (Rires) Oui, c’est dans notre délire. De toutes les façons, on ne fera jamais mieux. On peut ne faire que pire.

R : Les rapports de domination sont un thème que tu abordes fréquemment dans tes textes. Si je te dis « posture du dominant », qu’est-ce que cela évoque chez toi ?
C : Ca peut être n’importe laquelle la posture du dominant. Y a pas de posture type tu vois. Ca dépend dans quelle situation tu te trouves. La domination, c’est un point de contact entre un groupement de personnes, ou 2 personnes. Où à un moment donné, y a quelqu’un qui a le dessus. Et moi ce qui m’intéresse, c’est la psychologie de celui qui est en dessous. Pas de celui qui est au-dessus.

R : D’où te vient cette « marque de fabrique », cette façon d’écrire, toute en allitérations ?
C : C’est en commençant à rapper, c’est venu comme ça en jouant avec les mots. Jouer avec les mots, c’est jouer avec les sonorités. Après ça reste. C’est un truc qui est resté.
T’as vu dans le rap, chacun a sa petite technique pour faire avancer ses rimes et puis moi c’était de jouer, faire des allitérations. De jouer avec les sons des mots. De faire des assonances, des dissonances. C’est resté à tel point que j’ai du mal à faire autrement en fait.

R : Dans « marié aux tours », la chanson de l’album, qui vises-tu ? J’ai pu lire « mc’s périmés » dans une chronique concernant ton album. Je pensais plus aux voyous retraités.
C : Nan, moi c’était plus…enfin ça rappelle des personnages qu’on croise souvent dans le quartier…des gars échoués, qui ont été jeunes, qui ont été frais. Qui ont tenu le haut du pavé et qui après en vieillissant ben ils radotent, ils sont vieux. Tu sais les vieux combattants d’la rue.
Là jte parle d’un vieux soûlard qui marmonne sa rengaine à qui a envie de l’entendre qui traîne avec des petits. C’est des personnages qu’on voit beaucoup maintenant en cités : T’as des mecs de 40 ans qui ont traîné, qui ont tenu le haut du pavé. Quand ils avaient 20 ans, c’était un peu les caïds du coin et puis ils ne sont jamais sortis de ça. Ils ont vieilli là avec des petits qui sont plus jeunes, plus frais qu’eux. Sauf qu’eux ils vieillissent là… Y a un côté…y a un côté…

R : triste.
C : Ouais voilà, qui fait pitié. Un côté échoué, quoi. Donc ce n’est même pas une critique, c’est plus quelque chose de touchant en fait. C’est plus des personnages touchants ; qu’à critiquer ou à blâmer.

R. Dans une interview donnée à « l’humanité » datant du 8 mars, tu parles de « métaphore filée » de la bête sauvage que tu déroules tout au long de l’album, comment en es-tu arrivée à cette construction ?
C : Le coté chasse à l’homme, battue, poursuite… ca colle très bien avec justement la battue, avec le fait de chasser l’animal, chasser l’autre. Chasser l’étranger. Enfin tu vois : la bête sauvage, le safari. Toute cette imagerie-là, ça va beaucoup avec ce qu’on peut voir sur la chasse aux clandestins ou la chasse aux banlieusards. D’ailleurs y a eu des termes qui ont été utilisés : sauvageons… C’est des trucs qu’on utilise pour les animaux. Voilà, ce n’était pas difficile de faire des parallèles avec des safaris ou des battues. Tu trouves des métaphores sur la chasse à l’animal.

R : Dans la même interview, tu dis que si l’album peut paraître « frondeur ou violent », tu trouves que finalement c’est une réponse assez « normale » et même plutôt « gentille » par rapport à ce que l’on vous « met dans la gueule ». C’était quoi ces derniers temps qui a fait office de claque dans la gueule à Blanc-Mesnil ?
C : Ce n’est pas à Blanc-Mesnil spécialement, tu vois. Le regard que j’ai sur les choses, il ne se borne pas juste à l’endroit où je vis… C’est en général. Toi tu vis en Suisse, mais quand t’allumes la télé là en ce moment, la dernière polémique en France, c’est le renvoi des « roms ». Sur la base apparemment qu’ils auraient des caravanes un peu trop grosses, des voitures un peu trop puissantes et voilà. Enfin, c’est tout le temps. J’ai du mal à te trouver des faits parce que c’est tous les jours… Y a toujours un bouc émissaire en France, c’est toujours à peu près la faute de quelqu’un la crise. Là en ce moment, c’est le gitan qui est très peu à la mode.

R : Après avoir repris tes interviews, quel est ton rapport avec les médias?
Tu n’y es pas très présente, même dans la presse spécialisée. J’ai le sentiment que tu es méfiante.

C : Nan, nan. Pas spécialement. Je n’ai pas de rapports ou de non-rapports. Ça dépend… déjà ce n’est pas moi qui choisis, c’est les médias qui choisissent de venir te voir, de s’intéresser ou pas à ce que tu fais, de chroniquer ou de relater ce que tu fais. Donc déjà ça se passe dans ce sens-là. Je n’ai pas de vision particulière…

R : Tu ne refuses aucune proposition ? Télé par exemple (je pensais plateaux : ndj)?
C : Nan, je refuse pas… Ben déjà des télés on ne m’en propose pas. Si on m’en proposait peut-être que jferais un choix, mais je ne suis pas dans la position de choisir. En même temps jfais pas des choses qui soient calibrées pour la télé. C’est un autre monde la télévision… C’est assez normal que la télé ne me contacte pas. Ça ne me pose pas de problèmes.

R : Je t’ai vu chez Taddéi (« Ce soir ou jamais »)
C : Ouais, j’ai fait « ce soir ou jamais ». Mais y a une partie musicale, du coup qui est assez ouverte, puisqu’ils m’ont invité.

R : Dans l’émission « Ce soir ou jamais » justement, du 29 septembre, il est question d’un débat autour d’un livre qui fait actuellement polémique : « le déni des cultures » de Hugues Lagrange. Pour résumer, c’est un sociologue qui explique que la culture serait une des variables explicatives de la délinquance. Lié à cela, en début d’émission, le concept tabou de « statistiques ethniques » est également abordé. Quel regard portes-tu sur ce phénomène ?
C : Aujourd’hui en France, vu qu’il y a une droite super dure, c’est une droite extrême. Ça permet de décomplexer toutes les paroles des pires fachos, c’est à peu près normal. C’est sous ce genre de régime que tu vois revenir les thèses génétiques sur la délinquance. Enfin on fait appel à la science, on fait appel à la culture. On fera appel à tout, à l’ADN s’il le faut. Sous des régimes fascisants, c’est à peu près normal. Ce n’est pas une surprise. Là en France, tout le monde est décomplexé du racisme.

R : Il paraît ouais. Tout le monde se lâche plus.
C : Ouais, bien sûr.

R : Pour finir, quelles sont tes actualités ? J’ai cru comprendre qu’un album avec B.James était prévu et un album de « zone libre » ?
C : T’as dû tout confondre alors… B.James a son album de prêt, Prodige aussi a son album de prêt. Ça, c’est pour les actualités « Anfalsh ». Pour les rares qui connaissent, on fait souvent des mixtapes, on en a une en préparation…

R : « Représailles »
C : Voilà, la représaille. Et avec « zone libre » et B.James ensemble, donc moi et B.James et « zone-libre », on a fait un album. Qui sortira fin janvier 2011.

par Skywalk